La littérature visuelle
I  Projets programmés  I
Raban Maur, De laudibus sanctae crucis (Österreichische Nationalbibliothek, Vienne)

Les moyens et les orientations de la littérature visuelle sont largement fonction des évolutions techniques du support, selon qu’il s’inscrit dans l’âge des manuscrits, la civilisation de l’imprimé ou encore dans l’ère informatique. Deux axes majeurs se dessinent ici :

     1. Ecrits pour l’œil

     2. Littératures iconiques
        et nouveaux
médias de l’image 


Le rapport entre écriture et arts visuels est ici considéré à partir des pratiques qui font du texte non seulement un ensemble à lire mais aussi un objet à voir, qu’il s’agisse des calligrammes figuratifs ou des compositions qui utilisent les possibilités offertes par la mise en page, la typographie, voire la calligraphie, et qui s’élaborent aussi dans le choix du format ou du support. Il s’agit d’observer comment ce qui est visible participe pleinement de la composition de l’œuvre et comment s’articulent le visible et le lisible dans les configurations ainsi produites. Sont interrogées l’évolution de ses modes de composition, notamment pour ce qui est de la poésie visuelle, depuis la Grande Rhétorique jusqu’à la poésie concrète, mais aussi la façon dont ils supposent et génèrent de nouveaux modes de réception. Ces dispositifs de composition sont révélateurs d’une conception de la littérature qui varie au fil des siècles, et de pratiques qui déjouent la subordination de l’œuvre littéraire au seul fait linguistique. Se pose alors le problème de l’inscription de cette littérature visuelle à l’intérieur des genres constitués et de sa reconnaissance en tant que moyen d’expression susceptible de transgresser aussi bien les frontières génériques que les champs artistiques.

Les dernières innovations technologiques ont fourni à la littérature visuelle non seulement de nouveaux supports, mais des modes d’écriture et de réception inédits, prouvant une fois encore combien l’espace d’accueil des textes écrits conditionne leur matérialité autant que leurs logiques de production et de perception. Un de nos intérêts se porte sur la littérature numérique, qui est née de la récente propagation des sites en ligne, et qui prolifère à côté, sinon toujours à l’écart, des réseaux de publication et de diffusion éditoriaux traditionnels, lointainement dérivés, quant à eux, de l’invention de l’imprimerie. Avec l’ère du Web, c’est un champ de possibilités expressives qui s’ouvre à la création littéraire iconique : l’animation optique, fondée sur le mouvement et articulée aux recherches sonores, bénéficiant des acquis de l’art vidéo et de l’image 3D, favorise les croisements intersémiotiques entre le visible et le lisible ; les codes de programmation informatique, exhibés et détournés, instruisent parfois entre l’écrit et l’écran des rapports réflexifs et ludiques ; le lien hypertexte, activé par simple clic, offre à l’auteur un facteur de dynamisation de l’œuvre ; il contribue aussi à placer l’interactivité au cœur de la réception, telle qu’elle est induite par la littérature de l’ordinateur et de l’Internet.

 

« La queue de la souris » dans Lewis Carroll, Alice’s Adventures under Ground (manuscrit autographe achevé en 1864, The British Library, Londres)

 

 

Projets programmés

  • Rencontres avec les créateurs (Paris Diderot, Clermont-Ferrand) : organisation de journées de réflexion annuelles avec des créateurs, accompagnées d’expositions (responsables : Isabelle Chol, Gaëlle Théval). Une première journée d’étude, consacrée aux Intermédialités poétiques, se déroulera le 30 octobre 2009 à Paris Diderot.

  • La matérialité de l’objet écrit est au cœur des réflexions du Centre d’Etude de l’Ecriture et de l’Image depuis sa création. C’est à un élargissement et à un renouvellement de cette problématique que nous souhaitons nous employer à travers cette journée d’étude, prélude à une série d’autres – qui seront davantage centrées sur des media spécifiques - en envisageant de façon globale, dans un premier temps, la question du medium en poésie. Le thème de cette journée portera sur la place et le rôle du medium dans les poésies d’avant-garde et expérimentales des XXe et XXIe siècles, qui ont été marquées par une utilisation et une réflexion inédites sur les supports et les moyens de diffusion du poème à l’intérieur ou hors du livre, en relation avec le développement des médias de  masse et des « nouveaux médias ».

  • Si l’essor actuel de la « poésie numérique » semble avoir apporté un éclairage fondamental sur le rôle du medium en poésie, il ne doit pas nous faire oublier l’existence de pratiques plus anciennes, dans la lignée desquelles les poésies numériques actuelles se situent en partie, telles que la poésie visuelle ou la poésie sonore, qui se caractérisent elles aussi par la réappropriation esthétique d’un media préexistant et par une remise en question profonde des modes de production du sens et de réception de la poésie. Poèmes affiches, poésie concrète, poésie visuelle, poésie sonore, vidéopoésie, poésie numérique, cinépoèmes, etc. – toutes ces formes entretiennent un rapport privilégié avec le medium où elles s’inscrivent, obligeant le récepteur à cesser de percevoir celui-ci comme accessoire ou transparent, et à prendre en considération les effets de sens non discursifs produits par l’usage de tel ou tel vecteur, y compris celui du livre devenu lui aussi medium à part entière.

  • C’est donc l’impact du medium sur l’écriture poétique, sur les modalités de construction du sens, et sur la définition même de l’objet poétique devenu « intermedia » (Dick Higgins), qui sera au cœur des réflexions de cette journée. L’objectif principal de cette rencontre sera de tenter d’ouvrir des pistes de réflexion sur les nouveaux outils théoriques impliqués par l’existence même de tels objets. Dans quelle mesure les méthodes d’analyse littéraires traditionnelles, stylistiques ou linguistiques, demeurent-elles pertinentes ? Quels peuvent être les apports d’autres champs disciplinaires – sémiotique, esthétique, sciences de la communication, médiologie, pragmatique etc. – pour aborder ce domaine nouveau ?

 


     
CEEI - http://www.ceei.univ-paris7.fr
 CEEI – CENTRE D'ÉTUDE DE L'ÉCRITURE ET DE L'IMAGE  I  UNIVERSITÉ PARIS DIDEROT - PARIS 7