Dix ans après sa première édition cet ouvrage a valeur d'œuvre pionnière et fondatrice. La part visuelle de l'écriture occupe désormais une place centrale dans les recherches. Les formes graphiques et spatiales de l'alphabet et leur histoire intéressent un public nouveau, alerté autant que désorienté par les libertés inattendues et les contraintes, tout aussi insolites, liées à l'écran électronique. Portées par un courant plus profond, et qui n'est pas sans rapport avec le précédent, les analyses comparées des écritures occidentales et extrême-orientales, qu'il s'agisse des systèmes eux-mêmes, de leurs interférences avec l'image, ou des pratiques pédagogiques qu'elles induisent, se multiplient. Plus remarquable encore, car né de façon parallèle et simultanée d'une conception de l'iconographie tendant à se dégager de l'approche« représentative» de la figure propre à la civilisation de l'alphabet et d'une réévaluation de ce que l'on a coutume de nommer, d'un terme général et vague, les «proto-écritures », l'intérêt suscité par les origines iconiques de l'écriture conduit à interroger à nouveaux frais les écritures figuratives, en associant au système hiéroglyphique égyptien les écritures amérindiennes, ainsi que les systèmes plus ou moins éphémères conçus dans le voisinage du chinois.

On trouvera ici les références majeures permettant d'aborder de telles questions, ainsi qu'une bibliographie actualisée. Il a semblé également nécessaire d'ouvrir le champ de cette Histoire et de ses enquêtes sur la plus longue durée. Deux textes lui sont consacrés. Denis Vialou nous introduit précisément aux origines du graphisme et en développe les données archaïques fondamentales, qui sont tout à la fois et d'emblée matérielles, spatiales et abstraites. C'est à une forme de bilan d'étape vers le futur que se livre Yves Jeanneret pour clore l'ouvrage, bilan qui prend le relais du constat qu'il avait établi lui-même sur ce sujet voici dix ans. Quels sont les bouleversements inférés par les médias informatisés dans nos pratiques et nos conceptions de l'écrit? Et la dissociation qu'impose l'informatique entre la mise en forme visuelle du texte et la valeur intentionnelle de son message doit-elle avoir des conséquences sur la nature profonde et la vocation de l'écriture? L'énigme reste entière, mais elle semble être devenue aussi, étrangement, plus actuelle, et plus passionnante.