Le Centre d'étude de l'écriture et de l'image est un centre de recherche interdisciplinaire de l'Université Paris Diderot – Paris7. Il a bénéficié de plusieurs contrats des ministères de la recherche et de la culture, organisé des colloques internationaux en Europe et au Japon et publié une trentaine d'ouvrages collectifs.
Il associe des enseignants-chercheurs et des chercheurs de diverses origines au sein d’un réseau pluridisciplinaire et pluri-institutionnel.
Historique
Les recherches du CEEI ont leur origine dans une enquête sur les liens du texte et de l’image engagée en 1970 dans l'UFR STD de Paris 7 à l'initiative d'Anne-Marie Christin. D’abord fondées sur l'étude des œuvres littéraires des XIX e-XX e siècles français inspirées ou motivées par la peinture, parmi lesquelles celles d’Eugène Fromentin, peintre et écrivain, occupe une place centrale, ces recherches se sont élargies ensuite à la littérature du XXe siècle et au domaine de l’illustration aux XIXe-XXe siècles.
Parallèlement à ces analyses, qui se poursuivent toujours, nos recherches se sont orientées vers les systèmes d’écriture. Il nous est apparu en effet très tôt que l’on ne pouvait évaluer le rôle de l’image dans la création littéraire sans déterminer au préalable celui qui avait été le sien dans l’invention de l’écriture et dans l’évolution de ses systèmes.
Créé officiellement en 1982 sous l’intitulé « Centre d’étude de l’écriture », le Centre d’étude de l’écriture et de l’image (CEEI) consacre actuellement ses recherches, de nature historique et sémiologique, aux écritures dites « idéographiques » (Mésopotamie, Egypte, Chine et Japon) dans leurs relations avec l’image, aux créations occidentales, littéraires ou plastiques, qui ont cherché à réaliser de façon plus ou moins explicite un « retour aux idéogrammes », à l’image et à ses supports dans la culture européenne de l’imprimé, ainsi qu’aux différentes formes d'intervention - graphique ou textuelle - de la typographie dans la création littéraire contemporaine. Ce domaine vient d'être étendu en 2009 par Violaine Anger aux écritures de la musique.
Problématique
Deux postulats sont à l’origine des recherches du CEEI :
- L’iconicité de l’écriture
- La matérialité de l’objet écrit
Iconicité de l'écriture
L'écriture ne reproduit pas la parole, elle la rend visible. L'analyse d'un texte écrit, quel qu'il soit, ne saurait être dissociée de ce qui contribue à en assurer la lisibilité et que notre civilisation de l'alphabet et les théories logocentristes auxquelles elle a conduit, tant dans l'analyse du texte que dans celle de l'image, ont systématiquement ignoré ou occulté.
L'écriture est un produit mixte, né de la combinaison du langage et de l'image. Toutefois, dans cette combinaison, le medium déterminant n'a pas été le langage mais l'image, et le support de l'image a joué un rôle beaucoup plus essentiel que ses figures. La pensée de l'écran a précédé nécessairement celle de l'identification des traces, et c'est elle qui a rendu possible leur mise en réseaux signifiants.
C'est en raison de sa dépendance envers son support que l'idéogramme possède, dans les trois civilisations qui l'ont créé, la même originalité : il est un signe que l'on interroge, un signe susceptible d'assumer des fonctions très différentes - de logogramme, de phonogramme ou de clé - selon le contexte où il apparaît.
L'expérience du Coup de dés tentée par Mallarmé nous prouve que l'alphabet n'a pas rompu avec ces origines iconiques, bien qu'il ait été le premier système capable de s'abstraire de son support et de faire de son lecteur un recenseur de phonèmes. Les «blancs», dit Mallarmé «assument l'importance, frappent d'abord». En affirmant l'efficacité des vides dans la page, il témoigne de la permanence, jusque dans sa forme appauvrie, des données premières de l'écriture.
Matérialité de l'objet écrit
Nous partons du postulat que les formes matérielles produisent du sens. Appliquée à l'écrit, la matérialité relève de la mise en écriture (calligraphie, typographie), de la mise en page, de la mise en texte, de la mise en livre et de l'articulation du texte et de l'image.
À partir de ce cadre proche des travaux de la bibliographie matérielle et de la paléographie, les chercheurs du Centre ont affirmé l'importance du support.
La notion de support elle-même doit être problématisée en termes de champ (Schapiro), d'écran (Christin), d'espaces potentiels. Car s'il existe des supports conçus pour l'écriture (livres, périodiques) d'autres sont détournés, appropriés, délaissés.
Les matériaux déterminent l'expressivité de la trace et son contenu ; l'inscription éphémère n'est pas de même nature interprétative que l'inscription durable. Le jeu des formats définit la relation des objets écrits aux corps - la prise en compte de cette dimension ouvre sur une appréhension anthropologique de l'écrit - le format du livre par exemple sera pensé par rapport à l'enfant. Enfin la situation, dimension oubliée, participe de la matérialité - elle est constitutive du signe écrit - les écritures exposées cachées, défilantes, nomades... relèvent d'une véritable socialisation des inscriptions.L'analyse des valeurs d'iconicité de l'écriture doit permettre l'extension de notre champ des pratiques littéraires de l'écriture aux pratiques communes, «infra-ordinaires». L'analyse des circuits éditoriaux permet d'autre part de mettre en évidence l'importance des représentations du destinataire qui vont commander la mise en place détaillée des dispositifs matériels, graphiques et discursifs. Ainsi le livre d'enfant est issu d'une stratégie éditoriale destinée à répondre aux attentes supposées d'un lectorat particulier, et qu'il doit façonner en retour. |