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Nos recherches sur les origines iconiques de l’écriture sont nées de deux constats : – La nature hétéromorphe de l’image, où support et figures assument ensemble des fonctions complémentaires mais très différentes l’une de l’autre, faisant ainsi de l’image le lieu d’accueil potentiel de valeurs qui lui seraient a priori étrangères, en particulier celles du langage, – la reconnaissance du ciel étoilé comme modèle mythique de l’écriture par les civilisations de l’idéogramme. Deux notions essentielles à l’écriture sont liées à la contemplation du ciel: celle de système de signes et celle de lecture divinatoire. Appliquées à l’univers de l’image, elles devaient permettre en effet de combiner en un système inédit structures verbales et structures iconiques.
Nos enquêtes sont réunies dans une série de publications qui se succèdent de 1977 (L’Espace et la lettre) à 2001 (Histoire de l’écriture, de l’idéogramme au multimedia). Elles s’organisent principalement selon deux axes : Les marques formelles de l’image dans les systèmes idéographiques Inaugurée un peu plus tard (Ecritures III, Espaces de la lecture,1988), par Bernard Frank, Jacqueline Pigeot et Cécile Sakai, l’interrogation du domaine japonais a réorienté ces recherches vers une société où l’écriture idéographique avait connu d’importantes métamorphoses, et où l’image intervenait elle-même de manière originale. Retours à l’idéogramme dans la civilisation de l’alphabet Nos travaux les plus récents nous ont permis d’élargir ces enquêtes aux autres civilisations de l’écriture (voir également L’Ecriture du nom propre, 1998). Ils nous ont conduits en outre à nous donner de nouveaux objectifs. L'image informée par l'écriture L’objectif de ces recherches est double. Il consiste d’une part à comparer les différentes cultures de l’image à partir du système d’écriture auquel elles se trouvent associées, afin de voir comment les données fondatrices de la communication iconique – pensée de l’écran, sémiologie de l’intervalle – ont pu résister ou non à celles qui sont issues du discours – la représentation et la narration. Le second de ces objectifs porte sur l’écriture en usage dans la culture envisagée. La civilisation de l’alphabet a-t-elle privé les créateurs d’images des ressources d’où était né l’idéogramme ? Ne leur étaient-elles pas redevenues accessibles dès lors qu’ils pouvaient avoir accès à la production graphique d’une civilisation qui le pratiquait toujours ? C’est à une interrogation comparée des créations plastiques et des pratiques pédagogiques françaises et japonaises que nous nous livrons actuellement, à la faveur d’un contrat du ministère de la recherche ayant pour thème : L’image informée par l’écriture en Occident et en Extrême-Orient A l’initiative de Marianne Simon-Oikawa, le CEEI a lancé en 2001 un projet de recherche collective consacré au rébus. L’écriture, l’image et le rébus Plusieurs axes de recherche ont été définis, que les contributions individuelles pourront développer : les problèmes de définition, la typologie, les supports, les fonctions, des usages et des publics, et les rapports entre rébus et écriture. - Problèmes de définition. Les définitions du rébus sont multiples. L’existence de rébus d’images, de rébus de lettres et de rébus mixtes pose la question de leur nature respective et de leur articulation. Les limites du rébus doivent faire elles aussi l’objet d’un examen particulier. L’un des objectifs de la recherche sera justement d’examiner le spectre sémantique du mot dans les différentes langues du corpus à différentes époques, et d’en dégager les variations et les constantes, afin de le confronter aux objets qu’il désigne. - Typologie. On tentera d’établir pour chaque corpus une typologie, qui pourra ensuite être comparée à celle d’autres ensembles. Rébus d’images, rébus de lettres, rébus mixtes, se retrouvent-ils dans tous les corpus et à toutes les époques ? Cette répartition est-elle pertinente partout ? - Supports. Livres, estampes, albums, rouleaux, laques, le rébus est susceptible d’apparaître sur plusieurs supports, dont il importe de faire l’inventaire et de mesurer les effets. - Fonctions, usages, publics. En tant qu’objet entrant dans un circuit d’échanges, et engageant une expérience de lecture spécifique, le rébus pose la question de sa production, de sa réception, de ses modes de lecture, et de sa lisibilité même. - Rébus et écriture. On a souvent considéré le rebus comme se trouvant à l’origine même de l’écriture. Il importera donc de s’interroger sur les variations du rébus dans les cultures alphabétiques, où l’écriture a théoriquement pour seule vocation de noter une parole, et dans les cultures qui utilisent des signes n’ayant au contraire, comme l’idéogramme, jamais quitté le monde de l’image. Plusieurs séances de travail ont déjà été consacrées à l’examen des questions d’ensemble posées par le rébus, ainsi qu’à des exposés. Lors de la table ronde du 8 janvier 2001 Marianne Simon - Oikawa et Claire Brisset ont ainsi présenté leurs corpus respectifs de rébus japonais. Le 16 septembre 2002, Béatrice Fraenkel a traité des rébus dans les seings de notaires (XV e-XVI e siècles), Annie Renonciat du rébus et de la presse enfantine au XIX e siècle, Guilhem Fabre du rébus chez Dufrêne et dans le Nouveau Réalisme. La recherche, qui associe à des membres du Centre des chercheurs extérieurs, doit aboutir à une journée d’étude ou un colloque en 2007 ou 2008, et à une publication collective. Bibliographie : – Jean Céard : « Une écriture figurée : les rébus à la Renaissance », Ecritures II, Le Sycomore, 1985, p. 169-196. Colloques (coorganisation CEEI) : – L’écriture réinventée : Formes visuelles de l’écrit en Occident et en Extrême-Orient Maison franco-japonaise, Tokyo, 6-7-8 avril 2001 Webographie : – Pascal Vernus : L’écriture « hiéroglyphe », conférences de la cité : « les origines de l’écriture », 2009.
La représentation du nom de personne constitue, pour notre connaissance de l'écriture, une question centrale. Non seulement s'y trouvent étroitement imbriquées les deux modalités du sujet que met en jeu la communication écrite - le locuteur et le lecteur - mais, dans les sociétés où ce nom prend la forme d'un énoncé, on observe que sa transcription constitue l'amorce suffisante d'un système d'écriture complet, puisqu'elle est déjà, à elle seule, celle d'un texte. D'autre part, l'écriture du nom combine les deux moyens dont disposent les sociétés orales pour désigner un individu : la formule verbale de son nom mais aussi les marques visuelles - du masque au blason - qui lui permettent de s'affirmer comme tel. C'est pourquoi le nom de personne a donné lieu à deux modes d'identification individuelle opposés dans les civilisations de l’écriture: le sceau et la signature. Cette réflexion est à l'origine d’un colloque organisé par le CEEI en 1995, en collaboration avec la Bibliothèque nationale de France. Quatre champs d'enquête avaient été définis, déterminés eux-mêmes à partir des types d'écriture qui y étaient représentés : – les écritures de l’origine , où l'image participe encore directement de l'écrit : Mésopotamie, Egypte pharaonique, Chine, Maya, – les écritures de la métamorphose : Mésopotamie (akkadien), Japon, écritures sémitiques, – les écritures de l'héritage, essentiellement celui de l'alphabet greco-latin, tel qu'il devait être utilisé dans l'Occident médiéval, – les écritures «retournées à l'image », c’est-à-dire introduites après-coup dans la peinture, dans l'estampe, ou sur tout support non livresque. À l'issue de ces journées, un certain nombre de phénomènes récurrents ont pu être relevés, autorisant quelques conclusions : – l'existence de spécificités visuelles du nom de personne dans toutes les cultures écrites : hypocoristiques graphiques (majuscule alphabétique, kaô japonais, toughra ottomane), isotopies spatiales (inscription du nom dans des marges privilégiées du texte, dans ses interlignes - le surnom -), – leur intervention directe dans la genèse, voire la structure, des formes nominales : passage du nom de famille au nom de fonction (Mésopotamie), substitution du récit biographique au nom-titre (Egypte, Islam), signature conçue comme une image - à travers une figure (toughra) ou le parcours du regard (mantra) –, – l'importance déterminante réservée à la lecture du nom dans la mesure où celle-ci constitue une appréhension visuelle de l'écrit (tombes pharaoniques ou ottomanes, un support anépigraphe pouvant même ici se substituer à un nom), – les nouveaux types d'engagement social apparus avec l'inscription du nom : autorité du scribe, du notaire, marque de propriété d'un objet, valeur magique du nom représenté, – les diverses incidences de la nature d'objet propre à l'écrit sur les usages du nom de personne : problèmes d’«originalité» de la signature (Occident contemporain), multiplication des noms suscitée par celle des sceaux (Chine), manipulations possibles (bulletins électoraux), fonctions divergentes du nom écrit et du portrait. __ Bibliographie : – Anne - Marie Christin (éditeur) L’Ecriture du nom propre, L’Harmattan, coll. « Sémantiques »1998 (textes de A.M. Christin, P. Vernus, J.M. Durand, D. Charpin, R. Schneider, V. Alleton, M. Davoust, M. Garel, J. Sublet, N. Vatin, G. Veinstein, Y. Hahashi, C. Becchetti et F. Bizot, M. Bourin, B. Fraenkel, S. Le Men, M. Offerlé, D. Gamboni, M. Melot, N. de Mourgues. Traduction espagnole : La Escritura del nombre propio, Ed. Gedisa, 2001.
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