Les polygrammes sont apparus dans l’œuvre de Philippe Clerc à la rencontre de deux recherches indépendantes l’une de l’autre mais qui  avaient pour enjeu commun une certaine expérience du voir.

La seconde recherche est plus récente. En 1979 paraît le premier recueil de textes de Philippe Clerc : Nocera. « Une poésie nouvelle » annonce en préface    Henri   Thomas . Il  s’  agit  en  effet   d’ une   poésie   où   le   «  je  »

se met au service du voir, sténographe-comptable improvisé d’un univers habité d’objets et de figures dont l’ordre lui est étranger.  Le recueil s’ouvre à la date du 13 juillet 1975 :

La première, la plus ancienne, passait par la peinture. Ce que Philippe Clerc attendait d’elle était d’amener au jour l’invisible sans qu’il y joue lui-même d’autre rôle que d’intermédiaire et de passeur. La technique des Paysages noirs (1960) comme celle des Cratères (1970) ignore le trait ou le pinceau : elle procède par effacements successifs d’un enduit noir initial, faisant naître de ses réserves des formes qui n’ont pas de modèles.

 

Des Paysages aux Cratères le geste seul a changé : aux saccades du bâtisseur de palais fantomatiques s’est substitué le rythme du brasseur d’espace interrogeant du haut en bas de la page un noir maître de ses secrets. La série plus complexe des Ménélas a pris leur suite (1975).

un homme se tient la tête
des poissons étouffent
je vois une bouche petite
encombrée de dents
la terre commence à bouger
un œil qui a la forme d’une châtaigne
se déplace
il paraît dur 

 

Cette dramaturgie visuelle née de l’écrit a eu pour conséquence indirecte d’entraîner la création plastique,   que     le   geste     retenait

encore à sa matière, vers un  type de composition où n’intervenaient que la lumière et la poussière abandonnée sur la page par des figures. Les premiers polygrammes datent de 1980.

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 CEEI – CENTRE D'ÉTUDE DE L'ÉCRITURE ET DE L'IMAGE  I  UNIVERSITÉ PARIS DIDEROT - PARIS 7