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Le terme de polygramme désigne simultanément une technique et la mutation que cette technique provoque dans les figures qu’on lui soumet, qu’elle fait glisser du statut de représentations à celui de signes. Cette mutation n’a rien eu de prémédité. Son évidence n’est apparue d’ailleurs qu’après-coup, en confrontant les planches réalisées par Philippe Clerc à la suite de Nocera avec les manipulations graphiques annonciatrices de l’écriture partout où elle a été inventée : leurs processus sont les mêmes.
La technique elle-même est composite. Elle prend appui sur une photographie – réalisée par l’artiste ou empruntée à des sources étrangères – traitée ensuite par électrographie. C’est ici qu’intervient la main, mais de façon distanciée : détourages, écarts de lumière, agrandissements, réductions. Les épreuves sélectionnées sont regroupées en planches de six, huit ou neuf selon la grille choisie.
La mutation s’opère à ce stade. Les figures ainsi isolées puis regroupées ne désignent plus seulement en effet des objets du monde extérieur, elles renvoient d’abord chacune à leurs voisines, articulées qu’ elles se trouvent être les unes aux |
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autres par un même module spatial sur une surface devenue désormais leur nouveau lieu – un lieu qui est aussi une structure, un système, où leur rôle devient tout différent de celui qui était auparavant le leur.
C’est ce même basculement de l’espace graphique de l’univers du réel dans celui du sens que l’on observe en Mésopotamie, en Egypte, en Chine, précédant de peu l’écriture : format normalisé du support ; calibrage des figures ; combinaison de |
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Mais telle n’est pas l’ambition des polygrammes. Au contraire. Il s’agit ici avant tout d’étonner le voir, non de l’éclairer, de multiplier l’énigme picturale en en empruntant les pistes apparemment rationnelles, d’exploiter une structure en la détournant, à la manière d’un jeu d’échecs dont on pourrait modifier les valeurs au cours d’une même partie. |
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